Il y a quelques mois, nous avons fait la connaissance d’une nouvelle petite chose, un truc invisible à l’oeil nu. Bien sûr, nous connaissions tous l’existence des virus, certains sont récurrents, certains arrivent par accident d’autres parce que nous avons approché quelqu’un qui porte ce virus.
Nous savions que dans l’histoire, des virus bien agressifs ont existé. Qu’ils ont décimé une partie de la population.
A l’époque, la propagation d’un virus était localisée, les longs déplacements n’étant pas très fréquents vu les modes de transports existants.
Le développement de la technologie a aussi été le développement des modes de transports.
Aujourd’hui, on fait un Bruxelles-Madrid comme on faisait un Maubeuge-Reims il y a 30 ans. Prendre l’avion pour aller faire les soldes à Londres coûte parfois moins cher que de prendre le train pour aller à Ostende.
Mais cette facilité de déplacement a aussi ses inconvénients : plus rien n’est localisé.
Ainsi, ce nouveau virus, qu’on a appelé Coronavirus, s’est répandu sur toute la planète aussi rapidement que les puces sur le dos d’un chien.
Un chinois a éternué et c’est toute la planète qui s’est retrouvée malade.
Je ne vais pas vous parler de l’apparition de ce virus, de son mode de transmission, de sa dangerosité ou même des complots qui tournent autour de ce virus, la presse en a fait assez durant plusieurs mois et les réseaux sociaux sont devenus un nid à hoax (bien que j’ai pu entendre quelques petites idioties à la télé également). Non, aujourd’hui, après des mois d’absence, je voulais prendre la plume (ou plutôt le clavier) pour vous parler de la distanciation sociale mise en place.
Afin de se protéger contre ce virus, des consignes ont été données par les autorités, par les scientifiques, par des experts autoproclamés, par des anonymes sur internet.
Certaines consignes étaient tout à fait valables, d’autres par contre relevaient parfois du fantasme voire de scènes tirées de films de science-fiction.
Mais les consignes les plus importantes ont été de prendre ses distances avec les autres et se cacher derrière un masque.
Vu le mode de transmission de ce virus, ces consignes sont tout à fait naturelles et relèvent du bon sens. Mais prendre ses distances physiquement n’est pas sans conséquences.
Au début, on était chez soi. Qu’on était bien. Plus de stress, plus de collègues, plus de patron, plus de réveil à 5h. On se croyait en vacances.
On en a profité pour tondre sa pelouse, pour faire le ménage de fond en comble, pour ranger le grenier. Pour les familles c’était aussi l’occasion de passer du temps avec ses enfants ou son chat.
Puis, le temps a passé. Le grenier était tellement propre qu’on aurait pu manger par terre, la pelouse était tellement tondue qu’on aurait pu l’appeler Kojak (si vous avez moins de 30 ans ne cherchez pas, vous ne connaissez pas) et le chat ne supportait plus de vous voir.
Les collègues que vous ne pouviez plus supporter ont commencé à vous manquer. Vous commenciez à devenir nostalgique des crises de nerfs de votre patron.
La distanciation commence à faire son effet.
Parce que la distance physique a évidemment un impact sur le psychique. Bien sûr, la technologie permet de rester en communication mais les Skype et autres What’sApp ont leurs limites.
La webcam permet de voir l’autre mais pas de l’approcher. Et le contact physique, ou du moins le rapprochement physique, a son importance dans la vie des humains. Les humains sont des animaux qui ont besoin d’avoir une vie sociale (oui, les humains sont des animaux comme les autres, n’en déplaise à certains). Ils ont besoin non seulement d’un rapport social oral, comme se parler au téléphone ou même un rapport écrit comme sur Messenger. Mais ils ont aussi besoin d’être proches des personnes qu’ils aiment, qu’ils apprécient, qu’ils côtoient régulièrement. Même si l’intensité de ce besoin varie d’une population à l’autre, ce besoin de proximité est une nécessité.
Mais voilà, il faut garder ses distances pour se protéger d’un virus. Un parmi tant d’autres. Mais celui-là ayant la particularité d’avoir un temps d’incubation très long. On commence donc à se méfier de la personne qu’on croise au supermarché, puis de son voisin et enfin de ses propres enfants (parce qu’ils l’ont dit à la télé).
J’ai été effarée de voir que les gens se vantaient publiquement d’avoir dénoncé leur voisin parce qu’il reçoit trop souvent la visite de sa fille ou, pire encore, de dénoncer sa soeur parce qu’elle a organisé un petit barbecue avec sa meilleure amie. On en est arrivé à dénoncer sa propre famille. Le social commence à disparaître.
Petit à petit, on s’habitue à prendre ses distances avec tout le monde. Même si l’envie de serrer ses petits-enfants dans ses bras est encore présente, ce n’est plus la même chose avec ses amis ou ses collègues. On s’éloigne. D’abord par sécurité. Puis par habitude.
L’habitude. Voilà le vrai danger. On s’habitue à être distant. On s’habitue à se cacher derrière son masque. On est même plus obligé de sourire à la caissière puisqu’elle ne voit qu’une petite partie de notre visage.
Et cette habitude risque de s’ancrer profondément si la distanciation sociale perdure. Ce qui était une distanciation physique devient une distanciation sociale. D’ailleurs, depuis le début on l’appelle comme ça. Interpellant n’est-ce pas?
Ce virus va rester au minimum 1 an, le temps de trouver le vaccin. Si vaccin il y a. Pendant 1 an on va garder nos distances, on va se méfier de tout le monde, même de sa famille. On va s’habituer à réduire le social. On va nous rappeler sans cesse dans les médias de faire attention. Comme si le passant masqué qu’on vient de croiser ne nous le rappelait pas.
L’humain a cette particularité de pouvoir s’adapter à son environnement mais certaines personnes plus fragiles vont en pâtir. Pour certaines personnes, son ami qui prend ses distances, dans ce cas-ci de manière tout à fait légitime, cela signifie qu’on a fait quelque chose de mal. Même une visite chez un psychologue se fait à 2 voire 3 mètres de distance. Pas très efficace lorsqu’on est une personne vulnérable de faire confiance à quelqu’un qui est distant, dans tous les sens du terme.
Les amis vont s’éviter physiquement, par sécurité et par habitude. Mais les relations à distance ne durent jamais bien longtemps. On aura plus personne avec qui parler de nos problèmes. Plus aucune possibilité de se décharger d’une partie du poids de la vie. Cela va augmenter le stress quotidien et cela aboutira à des maladies mentales, temporaires ou définitives.
Si vous aviez peur des conséquences physiques de ce virus, ce n’est rien à côté des conséquences psychologiques. Parce que si on trouve un vaccin dans 6 mois, on se débarrassera du virus rapidement. Mais pas des habitudes de distanciation qu’on aura pris. Ni de l’impact psychologique sur une majorité d’entre-nous.